Critiques sociales et configurations des espaces publics dans un État en « reconstruction démocratique » : étude socio-anthropologique des mouvements politiques et associatifs féminins à Lubumbashi

Le projet de cette thèse concerne d’une façon générale l’analyse de la constitution et de la configuration des sphères publiques dans un État décrit comme " en faillite " (1), la République Démocratique du Congo, à travers l’étude des mouvements politiques et associatifs féminins à Lubumbashi(2). Ce travail s’intéressera donc de façon sous-jacente aux questions de construction d’espaces publiques, de critiques sociales(3) et de contestations politiques en République Démocratique du Congo (et plus particulièrement à Lubumbashi).

Le but de cette recherche sera de définir précisément les différentes dimensions des espaces publics au niveau local par l’intermédiaire des formes d’énonciation et de pratiques du politique, en posant l’hypothèse de la pluralité de ces sphères d’expression(4). Ce concept d’espace public est ici entendu au sens large comme les espaces de discussions orientées vers l’esprit public(5), concernant le « vivre ensemble », le « bien commun » et la société en générale, dans le contexte socio-politique particulier qu’est celui de la RDC. Il s’agit donc d’appréhender la politique « par le bas » et de saisir la question politique au-delà de l’angle institutionnel. Les « pratiques politiques » ne seront donc pas pensées de façon unidimensionnelle comme l’engagement individuel ou collectif dans la sphère électorale et publique conventionnelle(6) mais ce seront précisément les "modes populaires d’action politique(7)" qui se situeront au centre de cette étude.

L’objectif général sera de découvrir comment se forme le débat, la critique autour non seulement des autorités politiques mais aussi et surtout concernant l’ordre (ou le désordre) public global et de voir comment s’exprime la contestation politique au quotidien. Par-delà les discours et les représentations, il s’agira également de s’intéresser à la matérialité de ces contestations politiques et espaces publiques.

Afin d’aborder ces questions, nous avons décidé de nous centrer sur un angle d’approche spécifique qui cadrera ces objectifs de recherche sociologique. Il s’agit de l’analyse socio-anthropologique des mouvements associatifs et politiques féminins à Lubumbashi. Ce terrain d’étude nous semble tout à fait opportun pour saisir les diverses dimensions, caractéristiques et enjeux inhérents à la constitution des espaces publics en RDC, par l’approche de cette thématique en lien avec la discussion politique (8). En outre, il s’agit d’un angle d’approche qui permettra de questionner l’imaginaire politique, la question de la citoyenneté et du rapport quotidien à la politique institutionnalisée. Il permet également de s’intéresser à la question de la constitution et de l’évolution d’un mouvement social et d’un imaginaire social engageant le débat politique et public au quotidien.

Concernant le champ d’étude sur les mouvements féminins, considérons que bien que la RDC ait ratifié un certain nombre de conventions internationales concernant les droits de la femme, il semble pourtant que celles-ci doivent toujours faire face à de nombreuses inégalités. Cependant, il semble également que la femme congolaise s’investisse de différentes manières dans ce que nous pourrions appeler un certain engagement politique envers la « cause des femmes ». On assiste en effet depuis plusieurs années au déploiement ou à la consolidation d’une myriade d’associations féminines à différents niveaux (religieux, corporatifs, culturels, socio-économiques, politiques, psycho-médicaux, etc.) qui semblent œuvrer comme des structures sociales particulières et reconfigurent d’une certaine façon les réseaux de solidarité, dans un contexte de crise socio-politique. Il s’agira dès lors de voir comment ces différents niveaux s’articulent entre eux, mais également d’appréhender cette articulation sous l’angle de la constitution de sphères publiques locales. L’analyse portera également sur la constitution et l’opérationnalisation de leurs critiques sociales.

(1)Trefon, T. (2007), Parcours administratifs dans un État en faillite. Récits populaires de Lubumbashi, Paris, L'Harmattan.
(2)Lubumbashi est la capitale d’une des 11 provinces de la RDC, le Katanga.
(3)Entendue ici comme « la façon selon laquelle s’opère la mise en formules de l’indignation et la dénonciation d’une transgression du bien commun » (Boltanski, L. and Chiapello, E. (1999), Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, PUF.).
(4)Grignon, F. (1998), "Espace public, démocratisation et imaginaires politiques. Remarques théoriques et méthodologiques à propos d’une recherche sur le Kenya", in Martin, D.-C. (ed.), Nouveaux langages du politique en Afrique Orientale, Paris, Karthala.
(5)« Public-spirited way of talking » de Eliasoph, N. (1998), Avoiding Politics. How American produce apathy in everyday life, Cambridge, Cambridge University Press.
(6) Le Texier, E. (2006), Quand les exclus font de la politique. Le Barrio mexicain de San Diego, Californie, Paris, Presses de Sciences Po.
(7) Bayart, J.-F. (1992), "La revanche des sociétés africaines", in Bayart, J.-F. (ed.), La politique par le bas en Afrique noire. Contributions à une problématique de la démocratie, Paris, Karthala.
(8) En partant de l’idée que le consentement à la société se questionne tous les jours et n’est pas donné une fois pour toute, il est constamment en conversation  (Laugier, S. (2000), "La pensée de l’ordinaire et la démocratie intellectuelle", Esprit, pp. 137-154.)

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Mots-clé :

Critique sociale - espace public - sociologie politique - genre

 
 
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